Tribune d'Alexis
Corbière et Matthias Tavel
Marianne : Samedi 06
Février 2016 à 11:00
Alexis Corbière et Matthias Tavel refusent de perdre du
"temps, de l'énergie et de l'intelligence" autour d'une primaire à gauche
qui "n'aura jamais lieu en réalité". Ils expliquent pourquoi dans une
tribune pour "Marianne".
«On dirait une
réunion des alcooliques anonymes qui ont voté François Hollande en 2012.»
C’est ainsi que Cécile Duflot a décrit la réunion parisienne des partisans
de la primaire à gauche. Le jugement est sévère… mais juste. Pourtant, qui
doute qu’après avoir promis d'arrêter, mais constatant que leurs verres
électoraux sont vides, les animateurs de cette primaire retourneront s’accouder
au bar du « Solférino» pour demander au patron des lieux qu'il leur
remette une tournée ?
Et, croyant oublier le Hollande
cuvée 2012 qui leur a donné tant de maux de tête et fait voir des éléphants
roses nommés Valls et Macron, ils voudront finalement nous forcer d'ingurgiter
leur breuvage : une nouvelle cuvée Hollande 2017 ! A l’arrivée, la
gueule de bois et les déceptions seront les mêmes dans les milieux populaires.
Examinons donc avec
précaution la thérapie qu’ils nous proposent pour sortir de leur dépendance.
Cette Primaire, nous dit-on, serait à la fois plus démocratique, plus populaire
et plus efficace pour lutter contre l’extrême droite.
Plus démocratique ?
Comment ne pas voir le désaccord de fond, qui ne doit rien à la posture, entre
ceux qui combattent les traités européens et ceux qui les ont fait
adopter ? Entre ceux qui veulent la 6e République et ceux qui
acceptent les logiques de cour de la monarchie présidentielle ? Entre ceux
qui veulent l’augmentation des salaires et du SMIC et ceux qui les gèlent
depuis des années ? Entre ceux qui jettent les Goodyear en prison et ceux qui
les défendent ?
La primaire nous dit-on,
trancherait ce débat. Mais on sait bien qu’aucun compromis cohérent
n’est possible sur de tels sujets. On peut le regretter, mais c’est la dure
réalité. En quoi serait-il plus démocratique de contourner la difficulté
en imposant par la primaire aux vaincus de se renier ou de disparaître.
Imagine-t-on Pierre Laurent faire campagne avec Manuel Valls pour le pacte
de responsabilité ? Cécile Duflot soutiendrait-elle Emmanuel Macron et le
travail du dimanche ? Et si cela se produisait, sait-on jamais, ce serait
dévastateur. Enfin, qui peut croire que Hollande accepterait de se ranger
derrière Mélenchon et la 6e République si celui-ci l’emportait ? En quoi est-ce
démocratique d'empêcher qu'un candidat porte au premier tour l’exigence d’une
autre politique sociale et écologique que celle actuellement menée ?
Plus populaire ?
Mais on ne mobilise pas le peuple en organisant un grand casting à grand
renfort d'opérations médiatico-sondagières. La vérité est que, comme lors des
primaires socialistes de 2011, les instituts et des médias dont on connaît
l'indépendance par rapport aux puissances d'argent, choisiront préalablement
« le seul candidat en mesure d'être au second tour » avant de le
faire ratifier par ceux qui viendront voter dans ces primaires. Faute du débat
en profondeur dans toute la société que seul permet le premier tour de la
véritable élection présidentielle, les bulletins des électeurs des primaires ne
feront que confirmer ce qu’ils auront lu dans les journaux. L’expérience nous
enseigne que les milieux populaires sont particulièrement abstentionnistes lors
de telles primaires. Ceux qui prétendent redonner la parole au peuple risquent
fort de la lui confisquer davantage.
Plus efficace pour lutter
contre le FN ? Mais, comment croire qu’autant d’hypocrisie
étalée, où les adversaires d’hier feraient mines de s’être réconciliés, serait
un argument convaincant face au FN ? Ce serait juste un argument de plus
pour Marine Le Pen. Laisser au FN le monopole d'une candidature de rupture avec
les Traités européens : quel irresponsable peut imaginer un tel cadeau à
l’extrême droite ? Voilà les potentiels effets secondaires de ces
raisonnements primaires.
Les primaires terminés et la
véritable campagne engagée, on ne mettra pas la gauche en mouvement en traînant
les vaincus derrière le char du vainqueur quand aucune idée ne les rassemble.
On ne gagne pas une élection avec des artifices. La prétendue « gauche »
ne peut pas gagner si elle s’enferme dans le champ clos des 35% de gens qui
votent encore à gauche au premier tour des élections. Sauf à vouloir préparer
l’alliance avec la droite ! On ne lutte pas contre l’extrême droite avec
des illusions tacticiennes mais en étant plus convaincant qu’elle pour régler
les difficultés sociales de notre peuple. On ne mobilise pas l’électorat
abstentionniste avec des combines, mais avec des propositions audacieuses sur
le terrain social, écologique et démocratique, en appelant le peuple à se
refonder dans une Assemblée constituante pour une 6e République.
C’est la clé de toute victoire, quand la primaire n'offre que le confort de la
tactique politicienne à la place de l’effort de la politique.
Face à la menace FN, toute cette
effervescence autour de la primaire (qui n’aura jamais lieu en réalité) nous
fait perdre du temps, de l’énergie et de l’intelligence qui pourraient être
bien mieux mis à profit. Comme toujours, dans le flot de belles paroles
enivrantes, les astuces les plus grossières s’épanouissent. Et les vrais
diviseurs peuvent se cacher un temps dans le drapeau de l’unité sans que les
observateurs hurlent immédiatement à l’imposture.
Soyons franc. Que MM. Cambadélis et
Cohn-Bendit avec l’appui de Libération manœuvrent pour sauver le
soldat Hollande est logique. Mais qu’ils trouvent des soutiens hors de leur
camp pour cibler Jean-Luc Mélenchon parce qu'il refuse de se soumettre, est
désolant.
Avis à tous ceux qui n’en peuvent
plus de la politique du gouvernement actuel. N’est ce pas un acquis précieux
que l’un d’entre nous incarne depuis 2012, dans tout le pays, cette
résistance ? Que cherchent donc ceux qui essayent de l’affaiblir ?
Notre peuple a besoin de clarté.
Ces primaires confuses sont tout le contraire.
Alexis Corbière,
Secrétaire national du Parti de Gauche
Matthias Tavel, auteur de Le cauchemar européen, comment s’en sortir ? (Editions Bruno Leprince)
Matthias Tavel, auteur de Le cauchemar européen, comment s’en sortir ? (Editions Bruno Leprince)
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